l'encrier de rosemarie

l'encrier de rosemarie

Effraction

La clé tourne dans le vide. Ce que j'avais commencé comme le mouvement banal d'ouvrir ma porte d'entrée s'achève avec une tension de tout mon corps. Respiration coupée. Chair de poule. Ma porte s'ouvre toute seule, elle m'invite ironiquement chez moi.

 

Ces tiroirs qui vomissent bouts de rien et morceaux de babioles chiffonnées... Ces portes d'armoire qui baillent sur des piles désalignées... Ces papiers partout sur le sol...

 

Mais que cherchais-tu? Qu'est-ce que tu croyais? Tomber sur un trésor de pirate improbable? sur l'Eldorado des conquistadores? sur le Saint-Graal? (pas facile à revendre, celui-là). Tu as vu trop de films d'aventures dans la prison d'où tu sors. Oui, parce que, vois-tu, je suis certaine que tu sors tout juste de prison. Tu n'es pas assez malin pour avoir gagné au jeu du gendarme et du voleur. Dans le cas contraire, tu n'aurais pas forcé mon espace. Tu aurais deviné qu'ici tu ne trouverais pas grand-chose à mettre dans tes poches.

 

Tu m'embêtes, voleur à la petite semaine. Je te vois de dos devant ma porte, dans ton jean qui pendouille sur tes fesses, avec ces mèches de cheveux gras qui te tombent dans le cou. Je devine tes ongles bordés de sombre, la grosse pince que tu tiens dans ta main et qui a laissé l'empreinte de sa dent sur ma serrure. Tu m'embêtes, graine de malandrin pas même fichu de choisir les bonnes portes, celles derrière lesquelles dorment les bijoux et l'argent que tu cherches. Je suis en colère. Je voudrais tenir de mes deux mains le devant de ton tee-shirt, te secouer (tu n'es pas bien gros, je sais) et t'envoyer toute ma hargne à la figure.

 

Pas très futé, n'est-ce pas? Je suis sûre que ta vie, c'est exactement cela: un chapelet de ratages, de frustrations, d'échecs et de vexations. Pour un peu, je pourrais m'apitoyer. Si tu avais choisi une autre porte, je t'aurais sûrement trouvé des circonstances atténuantes. Mais, là, vois-tu, je n'ai aucune indulgence de reste. Je suis sereine: on va t'attraper bientôt, c'est sûr. On t'enfermera pour que tu médites sur les avantages de l'honnêteté. Tu n'en fera rien, c'est sûr aussi. Et tourne, tournera le cercle vicieux. J'espère simplement que, dans un coin de ta petite tête, tu te souviennes que derrière ma porte ne se cache aucun, mais alors vraiment aucun trésor.

rf/30.04.2012



06/10/2015
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